Depuis Gary Hamel et son best-seller « la fin du management » (2001), le sujet a été brocardé, challengé, réinventé de multiples fois. Où en est-on en 2025 ?
La confusion règne parce que de nombreuses définitions et expériences se superposent. Parce qu’il reste encore du XXe siècle, l’idée qu’il existerait pour une période donnée, une définition unique et universelle du management. Et si, justement, définir son management était précisément un acte stratégique majeur ?
Révéler la capacité singulière des collectifs
Ce qui est étonnant dans une course comme le Vendée Globe, c’est que 40 concurrents partent avec les mêmes informations météo, le même océan – certes pas avec le même bateau – et que les 40 vivent des aventures différentes, font des choix d’itinéraires différents, réagissent, anticipent et s’adaptent, de manière différente. Leur manière d’agir avec leur bateau, de se manager eux-mêmes dans leur audace, leur rapport au risque, à l’effort, à la gestion de leur sommeil, à leur détermination dans les épreuves, est différent. Stratégie et management sont les deux déterminants humains de leur performance.
L’évolution du management en perspective
Les entreprises du début du XXe siècle se représentaient le travail comme une organisation hyper rationalisée, verticale (Taylor). L’ouvrier n’avait pas à penser, « d’autres sont payés pour cela » disait Fayol. Il n’avait pas non plus de subjectivité. La psychologie est prise en compte dans les années 30 (Elton Mayo). Le management prend son sens actuel à la charnière des années 60 avec les approches motivationnelles (Mc Greggor). L’organisation se complexifie, évolue vers des architectures matricielles et les jeux de pouvoir (Galbraith, Crozier, Drucker). Le manager a pour rôle de faire fonctionner ce schéma. La complexité fait que les collaborateurs ont de plus en plus de mal à libérer leur plein potentiel. L’entreprise libérée dans sa forme radicale a même suggéré (2013-2017) l’hypothèse de la disparition du management (Getz, Carney). L’auto-organisation radicale pose alors des questions très concrètes : qui la met en œuvre, l’anime, assure cohérence et coresponsabilité, évolution ? Si certaines expériences très bien portées ont réussi, elles restent rares.
Depuis, l’organisation a été confrontée au confinement, à l’incertitude, aux turbulences, au brouillard des décisions qui ne se prennent plus, à d’innombrables défis et opportunités pour lesquels il faut ici s’adapter, là anticiper. L’organisation, en 2025, a plus que jamais besoin de personnes qui font vivre son cadre de fonctionnement pour que d’autres s’investissent à plein sur le métier, qui créent les conditions d’un collectif intelligent, agissant, évoluant et s’épanouissant. Si le management se transforme continuellement, il demeure une réalité essentielle.
Vers une (re)définition du management
Le Management dans la définition que nous posons ici est la capacité à mettre en intelligence et en mouvement une organisation pour assurer ses missions, son présent et son futur, autant que le développement de son propre collectif. Si nous posons que le management est stratégique, c’est parce que justement il définit l’essence d’une organisation, avec tous les acteurs, tous les sujets, pour réussir ses missions et se régénérer dans la durée : le management détermine fondamentalement la vitalité, la puissance de l’organisation.
Pourquoi le management humain, aujourd’hui, est-il en plein doute ?
Une lecture trop rapide de l’histoire du management, nous amènerait aujourd’hui à croire que nous sommes passés d’un centrage sur la réalisation des actions à un centrage sur le développement des acteurs. Douglas Mc Gregor développe en 1965 une approche centrée sur la motivation avec sa fameuse théorie des X et des Y. Il ouvre la voie à la vision « ressources humaines » avec ses nuances. Différentes théories de la motivation vont alors pénétrer le champ de l’entreprise auxquelles vont s’ajouter successivement le coaching, le bien être, le collaborateur est une personne, le collectif porte une culture, l’entreprise relève du vivant. Le management devient alors la capacité à mobiliser une dynamique des acteurs.
Or, cette solide conception du management, depuis une vingtaine d’année, est attaquée par trois courants différents :
- Le management serait une infantilisation du collaborateur. Il faudrait rejeter toute forme de management : les collaborateurs sont assez grands pour ne pas avoir besoin de management ;
- Le management ne répond plus au mal être et au désengagement du collaborateur. La tentation est alors d’aller toujours plus loin dans l’accompagnement humain : manager coach, manager bienveillant, servant leadership … Faut-il poursuivre indéfiniment dans cette direction ou renoncer ?
- Le management ne répond plus non plus à l’adaptation de la performance, à la nécessaire agilité et à l’anticipation stratégique de l’entreprise : une posture « plus verticale du manager » serait pour certains la bienvenue. Certaines « plumes » crient même : « Halte au management bullshit ! ».
Ces courants développent la confusion que nous connaissons ; renforçant même un sentiment d’illégitimité chez certains managers. Il est donc nécessaire poser un nouveau cadre au management, de poser la question du management autrement.
Le management et la voie de l’agilité
Rapidité, incertitude, performance, volatilité… D’un trait, les grandes ESN transfèrent leur savoir-faire en développement « agile » en une pratique managériale documentée, structurée, processée. L’idée est louable. Dans les faits, cette pratique ressemble souvent à une algorithmie des actions relativement désincarnée : le process avant les humains. Une pratique qui permet difficilement aux individus de partager une conscience des enjeux, des valeurs, une motivation, une conscience de faire collectif. Ce que l’on gagne ici sur la dynamique des actions, nous le perdons sur la dynamique des acteurs.
Le management réinvente son rôle
Qu’est-ce qui se joue aujourd’hui dans le fonctionnement des organisations ? De quoi a-t-on réellement besoin ? Dynamique des acteurs ou dynamique des actions ?
Si hier le management répondait à une société de la croissance industrielle avec ses prévisions et ses certitudes, aujourd’hui il doit répondre à un présent challengé par les turbulences, à un moyen terme en totale incertitude et à un long terme porteur d’immenses défis : climat, biodiversité, population.
De quoi les organisations ont-elles alors réellement besoin ?
D’un mot disons-le … d’intelligence.
Autant d’une intelligence du collectif pour lui-même que d’une intelligence des enjeux, des défis et des réalités de l’entreprise. D’une intelligence qui responsabilise le collectif sur ce qu’il est en regard de ses missions, de ses enjeux, de ses finalités. D’une intelligence des acteurs congruente avec la stratégie des actions, portée par son énergie, sa dynamique, sa capacité à performer, anticiper, se dépasser.
De cette réflexion ne sort pas un modèle managérial unique qui conviendrait à toutes formes d’organisation mais une nouvelle architecture managériale sur laquelle chaque organisation peut construire ses cycles, ses pratiques, ses rituels, sa culture, son style.
Le Management Régénérateur : manager en dynamiques collaboratives continues
Après un management centré sur la dynamique des actions puis un management centré principalement sur la dynamique des acteurs, nous entrons désormais dans un management conjuguant les deux dynamiques, l’une par l’autre, la dynamique des actions et la dynamique des acteurs pour rendre le collectif acteur de son cap dans les turbulences, moteur de sa trajectoire dans l’incertitude, créateur de réponses nouvelles pour relever les défis du long terme.
Définir son propre management est stratégique
Cette architecture que nous proposons est un cycle générateur d’énergie. Un système circulaire à trois pôles – Cohésion / Sens / Action – permettant d’activer les trois énergies naturelles du collectif : l’énergie de l’engagement, l’énergie de la réalisation, l’énergie de la régénération. Présenté sous forme d’un générateur circulaire, il permet à chaque organisation, selon sa culture, sa singularité, de définir chacun de ses cycles et d’y situer ses pratiques, ses rituels, ses rôles.
L’organisation sait profondément qu’elle ne peut pas « ne pas avoir de management ». Il lui appartient désormais d’être intelligente, c’est-à-dire consciente et en maitrise explicite de son propre architecture managériale, parce que c’est le premier déterminant de toute sa puissance.
Définir clairement son management pour mobiliser l’intelligence, l’engagement, l’énergie et la confiance du collectif est crucial. Il permet de faire de son fonctionnement un avantage stratégique induplicable, de faire de ses managers les créateurs assumés de la réussite stratégique de toute l’organisation.