Régénérer Stratégiquement l’Engagement

La RSE est désormais partout. Elle est aussi en plein questionnement.

La RSE est désormais au cœur de la plupart des entreprises et des politiques territoriales. C’est une manière de manager, une manière de penser l’entreprise, un ensemble de normes aussi, un système de mesure des actions. C’est même devenu un déterminant de ses fondamentaux avec la raison d’être.

Le souci est que cette omniprésence de la RSE la dilue, la banalise, en réduit la force. La Responsabilité Sociétale de l’Entreprise n’est plus synonyme d’une force d’engagement vers un questionnement plus grand, la démarche se vide de son sens, de son essence.

La RSE susciterait-elle moins d’engagement ?

Ces dernières années, c’est par ce questionnement que nous avons été abordés : chaque demande étant dans un champ de progression différent, toutes ayant en commun la perte de repères de ces démarches, l’absence de souffle, des résultats décevants.

Du point de vue d’une Agence en Facilitation Stratégique, apprendre que des démarches RSE ont du mal à mobiliser et à délivrer nous questionne. Comment sur un aussi formidable sujet, ne pas trouver la vibration du sens, la force de l’énergie, la puissance de réalisation ?

La RSE arrive à un tournant de son évolution

Cette réalité a de quoi surprendre car la RSE est nominalement l’enjeu même de l’engagement.

L’engagement humain repose sur un alignement des aspirations fondamentales de chacun avec les défis identifiés de son contexte, de la société. Mes aspirations et la conscience que je développe des défis à prendre en compte suscite en moi, une manifestation d’orientation, le sens, une propension à agir. Si dans mon groupe d’appartenance, nous partageons des aspirations proches et une même conscience des défis, le partage du sens sera fort, l’engagement vers l’action sera puissant.

L’engagement RSE ne part pas de l’individu mais d’un alignement entre les valeurs de l’entreprise, sa conscience des défis sociétaux, et le sens qu’elle exprime pour mobiliser son collectif vers une action la plus contributrice possible à la résolution de ces défis.

Nominalement – reprenons ici volontairement l’adverbe – les deux participent du même schéma d’alignement l’une à échelle individuelle et collective, l’autre à l’échelle de l’institution, l’entité morale, l’entreprise, l’organisation. C’est justement cette homothétie de fonctionnement qui permet des transformations puissantes sur des quêtes d’impact. La transformation sera d’autant plus réussie que, plus l’impact est significatif, plus les équipes deviennent contributrices de sa réussite, dans une certaine mesure de réalisme et de faisabilité.

Alors où la démarche RSE pêche-t-elle ?

La réponse est à chercher encore une fois dans la surcomplexité qu’a engendré la RSE :

  • Complexité du sujet : car la RSE comporte de très nombreux axes de responsabilité : climat, biodiversité, conditions de travail, droits humains, dialogue avec les parties prenantes gestion des ressources et économie circulaire, achat responsable, éthique… et la liste n’est pas finie…
  • Complexité du cadre : normes, textes, lois, circulaires, des milliers de pages désormais encadrent, avec des sanctions, la RSE. C’était une attente, une demande. La réalité de l’application du cadre rend désormais l’action beaucoup moins fluide, moins spontanée.
  • Complexité managériale : d’un sujet de sens, la RSE est devenue un sujet de performance multi indicateurs, un management multi injonctif diraient certains, une posture souvent moins mobilisatrice.

Alors la RSE est-elle dans l’impasse ?

La RSE souffre souvent d’un manque de recul. L’idée fondamentale de la RSE est de comprendre que l’entreprise est un système dans un système – la société – elle même dans un système, la nature. Que si on ne pense pas l’entreprise de manière systémique, nous ne pouvons pas être responsables de nos impacts. Dès lors, faudrait-il au moins penser la RSE comme un sujet systémique en priorité, car c’est bien le sujet systémique par excellence. Et souvent la RSE est questionnée comme une expertise de normalisation par le cadre, dans une approche ligne à ligne.

Comment aborder la RSE de manière mobilisatrice et systémique ?

Simple. Dans notre analyse, la RSE est porteuse de sept dimensions principales. Notre approche par la facilitation stratégique est de faire travailler ces 7 dimensions dans une même dynamique porteuse de sens, d’énergie et de cohérence :

  1. une dimension complexité des enjeux par le nombre de ses sujets et surtout leur interdépendance,
  2. une dimension normative par les nombreux textes légaux et les labels qui structurent chaque année davantage la RSE,
  3. une dimension performative au sens où la RSE est dans un impératif de résultat car elle questionne notre changement de rapport au monde dans une perspective à la fois vitale et morale ;
  4. une dimension culturelle en tension tirée par l’évolution des valeurs et de l’idéal qu’elle porte en contradiction avec des décennies de pratiques ancrées dans nos fonctionnement sociaux ;
  5. une dimension émotionnelle, voire passionnelle, car la RSE touche à nos conceptions profondes de notre rapport à la vie, au vivant, voire même à notre potentielle survie ;
  6. une dimension puissance du sens par le fait que la RSE répond autant aux aspirations de chaque individu qu’aux défis les plus prioritaires de notre société
  7. une dimension collaborative par le fait que toutes ces dimensions ne peuvent progresser que si elle forment un système cohérent portés par des acteurs en pleine synergie ;

De notre expérience, il ressort que les démarches RSE sont souvent accompagnées d’experts travaillant activement les dimensions 1 à 3 – ce qui est au demeurant très bien – mais délaissant souvent les dimensions 4 et 5, les considérant même comme une difficulté voire une menace et surtout omettant sans les voir les dimensions 6 et 7. La conséquence est à chaque fois la même : une conflictualisation ou un épuisement.

Pour que la RSE soit pleinement la Responsabilité Sociétale des Entreprises, elle doit être pilotée, facilitée stratégiquement, par une vision d’ensemble, une dynamique mobilisatrice associant les acteurs clés à l’ensemble de ces dimensions.

Dès lors la RSE est stratégique.

Une RSE motrice de sa propre dynamique

Quand la démarche RSE active toutes ses dimensions, elle développe, par la conscience collective qu’elle engendre, une capacité mobilisatrice de ses parties prenantes telle qu’elle devient un formidable accélérateur de son propre développement : énergie du sens, complémentarité des sujets, progression sur des référentiel précis, dynamique des évolutions culturelles et des émotions engendrées, capacité à délivrer, puissance collaborative. Tout converge pour faire d’un véritable cap RSE une dynamique d’engagement et de progrès.

… et porteuse d’un véritable élan stratégique

En questionnant le sens et le rôle de l’organisation, la RSE offre l’opportunité d’une évolution de sa proposition stratégique. Comment développer une valeur pleinement responsable, où chaque partie prenante – clients, partenaires, citoyens – est autant gagnantes que l’organisation ? En touchant à la stratégie, la RSE devient d’autant plus mobilisatrice qu’elle interagit avec les aspirations des parties prenantes externes.

La RSE stratégique devient un sujet porteur d’une telle force qu’elle permet d’activer une dynamique de transformation sur des domaines importants de l’organisation.

Une RSE réinventrice du projet d’entreprise

La RSE peut pousser le questionnement jusqu’au rôle fondamental de l’entreprise dans la société, être l’occasion de formuler une véritable « raison d’être et d’agir » et d’engager une transformation de l’organisation. Cette approche aligne tout : les fondamentaux, la stratégie, la dynamique de transformation, les projets RSE sur tous les domaines nécessaires avec l’énergie et le support de toutes les parties prenantes.

La RSE est le questionnement par excellence sur l’impact de l’organisation auprès de ses parties prenantes internes et externes, de son écosystème, de son rôle à moyen et long terme. La RSE est donc par essence le sujet accélérateur de l’évolution de l’ensemble. Il suffit d’oser l’aborder en tant que tel. Dès lors, tous les domaines s’emboitent, s’activent, s’énergisent.

La RSE est le questionnement du vivant de l’organisation dans la société, c’est par une approche essentiellement fondée sur la dynamique du vivant qu’elle revitalise en retour l’organisation.