Aussi surprenant que cela puisse paraitre aujourd’hui, début 2013, le TOP 70 des dirigeants du Groupe SNCF voyait dans cette grande question beaucoup de raisons d’y aller très prudemment.
Trois croyances limitantes bloquent toutes avancées. La première est que la SNCF ne pourra plus accomplir sa mission de service public par l’augmentation exponentielle des coûts de l’énergie. La seconde est que, de ce fait, toutes les parties prenantes de la SNCF vont devenir chacune impossible à gérer car la promesse de service public ne sera plus tenue. La troisième est psycho-sociologique : chacun pense que les hypothèses négatives sont privilégiées par les autres dirigeants alors que chacun identifie en privé des opportunités positives qui de ce fait ne sont jamais partagées.
Le Groupe SNCF demande en mars 2013 à In Principo de l’aider à s’engager sur la transition énergétique.La question qui nous est posée est simple : Comment engager l’ensemble les dirigeants de la SNCF dans la transition énergétique, comment les rendre acteurs ?
Le briefing client
Pour nos commanditaires, la direction de la stratégie, la direction du Développement Durable et la Direction des Achats d’Energie, la SNCF a tout à gagner à s’engager sur la Transition Énergétique. Mais un système de convictions bloque la quasi-totalité du top management sur le sujet : « Ces convictions s’appuient sur la croyance que nous ne parviendrions pas à éviter l’obstacle et donc engendre un pessimisme qui bloque toute décision. A l’inverse, si nous sommes capables de nous y mettre dès maintenant, la transition pourrait devenir une formidable opportunité ». La solution pour mobiliser le collectif des dirigeants d’un seul tenant pourrait être…. La dynamique collaborative …
Cadrage stratégique
In Principo explore les grands enjeux favorables à la transition énergétique de la SNCF à cette date :
- Mobilité : la SNCF s’est engagée deux ans auparavant sur une stratégie de la mobilité globale, « de porte à porte » et non plus « de gare à gare », grâce au digital qui permet de prescrire des trajets « sans couture » intégrant d’autre modes de transports à la maille fine autour du train.
- Energie : si tous les acteurs de la SNCF développent une réelle attention pour la sobriété énergétique, les économies peuvent être substantielles ;
- Écologie : le voyage en train électrique est de loin le transport le plus décarboné par passager kilomètre ;
- Engagement collaborateurs : les collaborateurs seraient fiers d’une SNCF engagée dans la transition
- Clients : les clients aspirent à un opérateur de mobilité entièrement décarboné, efficient et responsable.
- Service public et valeurs : c’est l’identité même de l’entreprise SNCF qui entre en résonnance avec la sobriété d’une mobilité d’intérêt général ;
L’analyse des enjeux d’opportunité sur le papier l’emporte nettement sur l’analyse des risques. Dans les perceptions humaines c’est l’inverse. Tout l’exercice est là.
DESIGN DE DÉMARCHE
La question du design de démarche est donc comment fait d’une situation à risque une opportunité stratégique ? Nous répondons par une démarche en 5 phases :
- Réaliser une phase d’écoute : aller au contact de 50% des dirigeants prendre en compte leurs perceptions, leurs réalités, leurs projections et leurs aspirations.
- Designer une démarche de « mise en situation d’opportunité » pour faire de la transition énergétique « un sujet de leadership et d’engagement ».
- Engager une feuille de route opérationnelle dans toutes les directions, appuyée sur une communication volontariste auprès de toutes les strates de l’organisation.
ÉCOUTE DES PARTIES PRENANTES
La compagne d’entretiens fait apparaitre deux croyances limitantes. La première est que la SNCF ne pourra plus accomplir sa mission de service public par l’augmentation exponentielle des coûts de l’énergie. La seconde est sociologique : chacun pense que les hypothèses négatives sont privilégiées par les autres alors que chacun identifie en privé des opportunités de progrès. Car effectivement les retours font apparaitre que la plupart des enjeux positifs de la transition sont déjà identifiés par les cadres dirigeants mais chacun en minore l’importance.
RÉALISATION DE LA DEMARCHE
Architecture : il apparait que ce qui va maximiser la dynamique des acteurs ce sont les valeurs de service public de la SNCF et ce qui va maximiser la dynamique des actions, ce sont à la fois les économies en amont et l’incarnation d’une proposition de valeur écologique auprès des voyageurs. En jouant sur les deux, on inverse le champ. D’où le questionnement : Comment faire de la Transition Énergétique une Opportunité pour la SNCF : sobriété dans la consommation / excellence dans notre offre de mobilité pour tous ?
- Mise en situation d’opportunité : exposé climat et transition (le futur va être plus compliqué encore que vous ne le croyiez) et exposé sur des expériences factuelles (intra SNCF et extra SNCF) associant valeurs écologiques, économies en amont, engagement des collaborateurs ou des clients en aval
- Activation d’une vision stratégique : prospective collaborative, vision (rôle à 10 ans), dynamique d’initiatives (faire maintenant)
- Encapacitement : comment incarner un leadership d’opportunité dès les semaines à venir ?
L’aboutissement de la démarche se joue le 12 février 2014 pour la Journée Énergie 2020 avec 65 participants. L’ensemble de la journée est une réussite. Une vision très claire est exprimée, appuyée sur un faisceau d’arguments concordant et synergiques : « plus nous incarneront la transition énergétique, plus nous seront attractifs pour les clients, mobilisateurs pour nos agents, et plus nous réduiront notre facture d’achat d’énergie ».
Des dizaines d’actions concrètes sont proposées et la journée se termine par des prises de paroles enthousiastes et engagées.
Dans les mois qui vont suivre la transition énergétique deviendra – dans une même dynamique d’énergie – réalité pour l’ensemble du service public de la SNCF.
Bilan et résultats
Dans les mois qui vont suivre la transition énergétique deviendra – dans une même dynamique d’énergie – réalité pour l’ensemble du service public de la SNCF.
En 2018, un article (C3D Magazine du 14 mars 2018) se fait l’écho d’une des mesures adoptées :
Opti-conduite est une interface intégrée au dispositif de conduite embarquée qui indique au conducteur la vitesse lui permettant d’optimiser la consommation d’énergie du train, tout en garantissant d’arriver à l’heure.
Cette indication est actualisée en temps réel par l’algorithme présent dans le dispositif.
Déjà déployé auprès de 96 % des 1 500 conducteurs de TGV, Opti-conduite sera progressivement mis en place dans les autres activités. L’outil a notamment été testé avec succès sur des circulations Intercités. En seulement 4 ans, le projet Opti-Conduite a abouti à l’industrialisation d’une solution représentant un potentiel d’économies d’énergie de 8 %. (NDLR : la facture d’énergie de traction de la SNCF se chiffre en centaines de millions d’euros).
La SNCF communique avec fierté son avantage concurrentiel : « Avec le train, nous opérons 10 % des déplacements de voyageurs pour seulement 0,06 % des émissions du secteur. Cette très faible empreinte est liée au fait que la plupart de nos trains et tous nos TGV sont 100 % tractés à l’électricité, dont le mode de production, en France, est très peu carboné » indique Valérie Darmaillacq, Directrice de la performance environnementale et du développement durable SNCF TGV Intercités, dans le Magazine GREEN INNOVATION en Avril 2022.
L’ensemble des rames TGV affirme visuellement leur performance énergétique par une sérigraphie géante et permanente : cette affirmation est un signe visible de l’engagement total de l’entreprise.
Recommandations pour poursuivre
In Principo a recommandé à SNCF la mise en place d’une dynamique collaborative apprenante et d’innovation continue en écosystème :
- Faire de la prise de conscience initiale un challenge de progrès permanent pour capitaliser non seulement sur la performance énergétique mais sur l’énergie d’engagement à innover sur cette performance énergétique ;
- Développer une dynamique prospective : se projeter ensemble transversalement régulièrement sur les enjeux et les opportunités de la transition énergétique où la SNCF est leader et légitime
- Développer une dynamique apprenante : partager, capitaliser les apprentissages, les modéliser pour les déployer et les accélérer.
- Développer une dynamique d’innovation : transformer les enjeux et les opportunités en innovation de manière systématique dans toutes les composantes de l’entreprise ;
- Développer une dynamique de progrès opérationnel : capitaliser sur le terrain sur les efforts de performance avec le management opérationnel
- Développer une dynamique stratégique appuyée sur les cinq précédentes dynamiques : quel est le cycle d’accélération stratégique pertinent à l’échelle de l’entreprise : comment mobiliser les énergies naturelles du collectif pour avancer en toute efficience ?
- Développer une dynamique d’écosystème : Comment inscrire la dynamique stratégique « Transition énergétique » au cœur de l’écosystème SNCF ?