L’Intelligence Collective s’est développée dans de nombreuses sphères de l’organisation – management, innovation, projets, RSE. Étrangement peu en matière de Gouvernance. Il en est de même pour l’IA. La puissance de la nouveauté est-elle un handicap à l’évolution des pratiques de Gouvernance ? Et si la conjonction des deux était l’occasion, dans ce contexte à haute intensité, de rattraper le retard ?
Peurs
Dès la sortie de Chat GPT fin 2022, les esprits avertis se sont inquiétés des dangers de submersion de cette puissante innovation sur la condition humaine : pertes d’emploi massive à moins de 5 ans, délégitimation des cols blancs, fin des centres d’appel, chute des valeurs boursières des cabinets de conseil, fin des traducteurs, des avocats, des scénaristes, et plus encore des experts-comptables (déjà annoncés comme morts avec Internet puis une deuxième fois avec le Digital). Dès 2023, l’IA Générative s’est alors, comme dans Fantasia, démultipliée : nouveaux acteurs, versions nouvelles, fonctions inédites, champs d’application surprenants. La submersion semblait totale, inarrêtable.
Inversion
Puis, signe étrange, les DSI qui avaient savamment verrouillés les usages de l’IA dans leurs systèmes d’information, ont constaté en 2024 qu’une grande partie de leurs populations utilisaient abondamment l’IA générative en mode « Shadow IT », c’est-à-dire, traduisons, avec les applications grand public de leur portable, pour poser des questions sur leur métier, sur des sujets parfois confidentiels. Le risque, le danger absolu, faisait d’un coup figure de désir partagé par le plus grand nombre
Toute une culture créative s’est dans le même laps de temps emparée de l’IA. En 18 mois, 70% des 18-24 ans utilisent ces outils, contre 47% des 25-34 ans et 22% des 35 ans et plus (étude IFOP parue le 1er juillet 2024). L’IA générative a pris sa pleine place dans le quotidien : explorer un sujet complexe, rédiger un mail, créer une image, inventer une histoire, faire une synthèse de réunion, répondre au cas par cas, générer des idées… Dans les faits, les usages positifs sont quasi infinis.
Questionnement
L’IA est massivement adoptée. Oui. Et cela questionne plus encore l’humain sur son essence, son rôle, sa valeur ajoutée propre.
Cette dynamique renforce un deuxième flot de questionnement à perspective négative : en quoi l’intelligence artificielle va-t-elle en tout ou partie nous remplacer, va-t-elle nous rendre paresseux, va-t-elle nous instrumentaliser, va-t-elle lentement nous affaiblir ?
En même temps qu’à l’inverse, elle engendre symétriquement un autre flot de questionnement à perspective positive : en quoi l’intelligence artificielle peut-elle nous augmenter, en quoi peut-elle nous challenger, comment nous fait-elle grandir en capacité et en conscience, comment nous permet-elle de nous renforcer, individuellement, et collectivement ?
L’IA partie intégrante
Si de très nombreux individus « ont cranté » sur l’IA, les organisations, se sentent collectivement remise en cause. Qu’est ce qui bloque ? Rien, affirme-t-on partout. Seulement « partout », on expérimente sur ce qui ne questionne pas. L’IA s’intègre aujourd’hui massivement au fonctionnement : processus, application de data, CRM, production, communication. Peu encore à ce qui touche à la condition humaine : management, décision, stratégie, gouvernance. Qu’est ce qui bloque vraiment ?
L’IA partie modifiante
L’intelligence artificielle reste toujours en tension entre espoirs et craintes. Utilisée à mauvaise escient, elle constitue un danger. A bon escient, c’est une chance. Comment garantir la sagesse de l’usage en même temps qu’une implication des collectifs dans des usages clés, cœur, à haute valeur ajoutée ? La réponse est comme souvent dans la question. Ce qui va faire que l’IA va engendrer un levier puissant et sans ambiguïté, c’est notre sagesse collective à en faire usage. En mobilisant précisément l’intelligence collective comme cadre, comme garant de cette sagesse autant que le démultiplicateur de son intégration : l’intelligence collective comme discipline de développement de l’IA pour une valeur humaine augmentée. L’intelligence artificielle associée étroitement à l’intelligence collective, c’est puissant. Nous la nommons : intelligence augmentée.
Puissance de l’Intelligence Augmentée
L’intelligence augmentée, c’est l’usage de l’intelligence artificielle associée étroitement à l’intelligence collective dans une finalité identifiée et dans un cadre assumé et maitrisé. Au lieu de restreindre la portée de l’IA, nous l’augmentons par son impact sur le collectif autant que nous responsabilisons le collectif sur son usage. Comment ? En créant une résonance entre les deux capacités à raisonner en s’assurant que l’humain, individuellement et collectivement, est grandi par cette action, que les questions, les pratiques et les résultats soient authentiques, c’est-à-dire justes et assumés par le collectif.
Portée amplificatrice et transformatrice
Si le collectif humain augmente dans la conscience de ses propres enjeux et augmente ses capacités à traiter la complexité par l’appui et les apports de l’IA, se questionne sur le fonctionnement de l’outil, avec une démarche qui est assumée et pilotée, le risque d’une instrumentalisation de l’humain par l’IA est fortement réduit. L’Intelligence Augmentée a pour objet de créer un cadre de facilitation stratégique permettant la combinaison de l’un par l’autre : une finalité, un esprit, une éthique, une maitrise des outils, des modalités, des résultats utilisés et valorisés. Qui plus est cet usage en collectif renforce l’effet d’apprenance de l’IA sur des usages majeurs.
Première application : la Gouvernance Augmentée
Comme toutes les autres innovations auparavant – mécanisation, électricité, téléphone, informatique – il ne vient à l’idée d’aucune entreprise de se passer de leurs avantages. De même, l’IA doit devenir partie constitutive de la nature des organisations. Le saut à accomplir étant de créer les conditions de cette intégration par une maitrise assumée de l’IA par la constitution d’une dynamique de gouvernance en intelligence collective intégrant l’IA au cœur de ses usages. Comment ? En commençant par la Gouvernance Augmentée, l’entreprise gagne sur tous les tableaux :
- Appréhender l’évolution de son activité : monitoring et pilotage
- Connaitre et comprendre les dynamiques d’évolution de son environnement : veille stratégique et concurrentielle
- Piloter les risques : les identifier, les gérer, anticiper leurs conséquences, et préparer les réponses nécessaires
- Anticiper les évolutions du futur par une prospective collaborative
- Identifier plus rapidement les options stratégiques pertinentes
- Faciliter la prise de décision des options stratégiques
- Définir les actions, les feuilles de routes, les moyens à engager.
- Fluidifier la communication auprès des acteurs clés et des parties prenantes.
Vers l’entreprise en intelligence augmentée
Dès lors, l’entreprise peut décliner cette capacité d’intelligence augmentée à ses unités, et filiales et progressivement à l’ensemble de son management de manière adaptée, pragmatique, améliorant sa capacité, ses opportunités, son engagement, période après période.