Comment apprivoiser la puissance régénératrice des écosystèmes ?

Écosystème ! Un mot valise aujourd’hui tiraillé entre les territoires d’innovation générateurs de startups et les milieux naturels vivants et menacés par les excès de nos activités humaines. 

L’écosystème est inspirant car il procède du vivant. L’écosystème n’est pas un processus, c’est une dynamique qui engendre, qui crée, qui échappe aux raisonnements classiques. Les écosystèmes sont considérés pour ce qu’ils incarnent. Ils sont puissants mais restent souvent en marge des stratégies car ils ne rentrent pas dans les équations classiques. 

In Principo étudie les écosystèmes depuis 2008, les accompagne depuis 2011, forme aux dynamiques d’écosystèmes depuis 2018. Au travers de cette période, nous voyons leur nature significativement évoluer et se diversifier tant sur les défis de la transition que sur le management des organisations.

La notion d’écosystème d’entreprises émerge chez Michael Porter en 1980 pour décrire les formidables écosystèmes d’innovation qui naissent avec la société de l’information, notamment la Silicon Valley. Cette notion n’est pourtant pas fondamentalement nouvelle. A la fin du XIXe siècle, l’économiste Alfred Marshall observe déjà qu’une concentration d’activités proches ou complémentaires engendre des synergies qui permettent à des acteurs, mêmes concurrents, de se développer plus vite. L’historien Fernand Braudel dans les années 70 s’intéresse aux dynamiques de progrès qui se concentrent dans une succession de villes-monde – telles qu’il les nomme. Venise, par exemple, au cours du XVe siècle, concentrait un nombre étonnant d’innovations sur quelque 25 hectares.

Un phénomène qui monte en puissance 

Si l’écosystème est une réalité, c’est une réalité difficile à reproduire avec des conceptions classiques. Car c’est une dynamique qui doit être portée par ses acteurs et être constamment évolutive. Une dynamique protéiforme répondant à une complexité croissante d’enjeux qui se décrit par trois stades de maturité.

Premier stade, les écosystèmes productifs : ils existent au travers de la combinaison de trois dynamiques : opérationnelle (flux économiques), communautaire (dynamique relationnelle) et culturelle (capacité à partager des valeurs proches, des rites, des représentations du monde au présent). 

Deuxième stade, les écosystèmes innovants : ils ajoutent à ces trois dynamiques, une dynamique d’innovation, une dynamique projective, génératrice de visions du futur, associées à de forts enjeux et engendrant une tension créatrice perpétuellement entretenue. 

Troisième stade, les écosystèmes transformants : ceux-ci développent d’autres dimensions encore conjuguant une nouvelle pensée sociale et sociétale, une conscience aiguë du long terme, une éthique, engendrant des modes de fonctionnement plus systémiques, plus inclusifs, des modèles plus structurants, radicalement plus responsables. 

La compréhension de cette dynamique de progression de la nature des écosystèmes est précieuse pour appréhender les évolutions des dynamiques d’écosystèmes actuels. C’est dans ces dynamiques que naissent les innovations les plus déterminantes de la planète, les usages, les modèles de société – positifs ou non à nos yeux – appelés à se propager plus largement.

Un ensemble de dynamiques qui se renforcent en continu 

Fondamentalement, la force d’un écosystème est d’engendrer par une dynamique collaborative entre ses parties prenantes de la valeur, de l’impact, et de faire qu’une bonne partie des actifs créés – connaissances, relations, compétences, capital, acteurs engagés, entrepreneurs – reviennent par de nouveaux cycles initier de nouvelles initiatives. A chaque cycle, ils renforcent la dynamique, capitalisent autant qu’ils accélèrent les évolutions du modèle.

Autrement dit sa particularité est de constituer un système de différents cycles tous mus autant par la quête de sens que par l’opportunité économique, par le plaisir des collaborations que par la puissance des synergies, par la conscience d’enjeux collectifs forts que par la quête de progrès individuels. L’écosystème n’est pas dans le OU exclusif : éthique ou économique, individu ou collectif mais dans le ET. Le ET de l’efficacité nécessaire pour déployer de vraies solutions à la hauteur de nos défis de société, des défis du monde : économie régénérative, économie circulaire, systèmes de mobilité, systèmes urbains, alimentation, santé, énergie, agroécologie, technologie, le champ d’application des écosystèmes transformants est immense.  

Une architecture clarifiée qui transforme les organisations et les territoires

Si les écosystèmes ne sont pas intelligibles dans le management classique par processus, ils se définissent, s’activent et se managent parfaitement avec les dynamiques collaboratives, ces cycles d’énergie continus et auto-régénératifs. Ils prennent même une force nouvelle en situation de turbulences et d’incertitude, renforçant les liens autant que l’énergie des acteurs, rendant anti-fragiles et résilientes les collaborations entre les organisations, et même au sein des organisations. Les architectures d’écosystème méritent d’être étudiées car elles disent beaucoup des collectifs tant internes qu’externes des organisations.

Et ce dernier point devient une source d’inspiration, une opportunité pour le management des organisations au sens le plus large. Car nos organisations deviennent parallèlement des environnements hétérogènes et atypiques de parties prenantes : des services métiers et des services transverses, des projets opérationnels et des projets d’entreprise, des collaborateurs maisons et des presta à demeure en plateau, des experts en régie et des managers de transition, des startups hébergées et des stagiaires de passage, des présentiels et des distanciels en semi-hybridité temporaire en 2 cinquièmes, des partenaires sous contrat pour coinnover avec des chercheurs en total confidentialité, etc…

La question des activateurs d’écosystèmes dans chaque système d’enjeux, pour chaque collectif, devient : quelle architecture pour engendrer une dynamique d’engagement, de réalisation et de régénération continue qui monte en puissance quel que soit les circonstances et les turbulences traversées ?

Nos conclusions : 

  1. les écosystèmes vont bien au-delà des enjeux de l’innovation pour répondre à l’accroissement des défis de la transition par des architectures singulières et spécifiques ;
  2. les dynamiques d’écosystème y compris au cœur des organisations se profilent comme nouvel archétype managérial résilient et inclusif d’un système d’acteurs diversifié soumis à de multiples aléas et en évolution continue ;
  3. les organisations ouvertes d’aujourd’hui et de demain comme des dynamiques de cycles vivants congruents et particuliers : opération, performance, apprenance, veille-prospective, innovation courante, innovation ouverte, innovation disruptive, stratégie

Pour le dire simplement : tout collectif s’inscrit dans une dynamique d’écosystème. L’écosystème porte par son architecture les clés de questionnement permettant de répondre à une grande diversité d’enjeux et de natures de collectif, par un système puissamment outillé, universel, spécifique, mesurable, autant qu’évolutif.