Dans cette période tumultueuse, beaucoup d’entreprises s’interrogent. Certains pointent qu’elles « ne sauraient plus décider ». Certaines directions d’entreprise répondent même en privé que la question est plus profonde : « décider est de plus en plus difficile car on ne sait plus au nom de quoi décider ». Alors « vous savez… on s’adapte », « on voit ce qui se passe et on réagit ». Pragmatisme… Si seulement…
L’entreprise aujourd’hui… pas simple !
Il faut ici reconnaitre que cette période a quelque peu lessivé les référentiels les plus essentiels de l’entreprise :
- La performance était un indicateur clé mais dans un monde turbulent, la performance devient une notion extrêmement complexe et variable : le coût, le prix, la qualité, le délai, le stock, la résilience, la logistique, l’impact carbone, la RSE, la conformité à telle ou telle norme… Les indicateurs se multiplient et leur priorité change vite. Trop nombreux, nos indicateurs engagent de moins en moins les acteurs de terrain… La performance s’émousse.
- La stratégie aujourd’hui ? A quoi bon… ? Si l’on se place dans la perspective de réussir la transition, il existe de très belles approches, théorisées et documentées. Si l’on s’inscrit en priorité dans un contexte d’incertitude, il en existe d’autres, intelligentes. Et si l’on veut faire face aux turbulences, d’autres stratégies, brillantes. Transition, incertitudes, turbulences, ces trois contextes très différents sont pourtant indissociables du réel. L’entreprise a besoin, pour ces trois horizons, d’une approche d’ensemble. Pas simple ! De plus en plus ici jettent l’éponge.
- L’innovation managériale, qu’en reste-t-il ? Équipes et managers font face aux situations mais fatiguent. Peu d’expérimentations ont réussi à faire à la fois grandir l’humain et la performance. Le management se recentre sur les conditions et la qualité de vie au travail. Si c’est tout à fait nécessaire, l’énergie, l’intelligence collaborative et l’engagement collectif, sont laissés de côté.
Comment l’entreprise peut-elle (re) devenir une formidable aventure humaine et stratégique : s’engager, réaliser ses missions et se réaliser, grandir, s’épanouir ?
C’est le questionnement au cœur du système d’entreprise que nous proposons : « Raison d’Être et Puissance d’Agir »
Une dynamique d’énergie
Quand on observe les entreprises, il y a finalement deux dynamiques qui opèrent. Celles qui sont ralenties, voire tétanisées, par notre époque. Et celles qui vont plus encore de l’avant, se confrontant au tumulte, répondant aux difficultés du moment par des solutions, des innovations, de l’audace.
Celles qui développent leur Puissance d’Agir : celles qui, dans ce contexte, mobilisent leur dynamique à partir de leur énergie intérieure, de leur conviction, de leur cap, de leur mode de fonctionnement. Et les autres qui s’interrogent, subissent une succession de situations avec leur lot de problèmes, réduisant d’autant leur capacité de réponse.
Il y a celles qui engendrent une énergie humaine croissante en avançant et celles qui s’épuisent par les circonstances. Questionner la nature de nos systèmes d’entreprises est donc bien stratégique.
Un système cohérent source de puissance
La différence entre les entreprises qui sont synergiques et celles qui ne le sont pas, réside justement dans le développement d’un modèle générateur associant Raison d’être et Puissance d’Agir. Un noyau de fondamentaux solides et partagés, un cap clair et mobilisateur, des capacités collectives motrices associant managers, collaborateurs et partenaires aux enjeux stratégiques de l’organisation. Du noyau à l’action, l’ensemble devient un système agissant, en regard de sa trajectoire, du contexte, de la situation.
Dans le modèle classique en isolant les champs – stratégie, management, opérations – les uns des autres, on divise le système, on l’affaiblit. A l’inverse, en assurant un continuum dynamique entre ces champs, la Puissance d’Agir permet un renforcement du système. C’est à la fois une intelligence de l’action et une énergie portée par le collectif.
Une organisation qui subit les circonstances est lente à réagir, limitée dans son engagement, fatiguée, en tension, parfois même en défiance. Une organisation qui développe sa Puissance d’Agir génère une performance significative, des capacités à anticiper, s’adapter, évoluer en continu.
Osons définir un vrai système d’entreprise
Comment la Puissance d’Agir se traduit-elle concrètement sur les plans de la stratégie du management et des opérations ? Sept principes permettent de forger le système d’entreprise « Raison d’être et puissance d’agir » :
- Un système de fondamentaux : une entreprise a besoin pour se définir à la fois de fondamentaux profonds et clairs (Raison d’être, Vision, Valeurs) et qui inspire sa mise en mouvement (Mission, Rôle, Ambition). Ce cœur de système peut être associé à d’autres fondamentaux (identité, marque…).
- Un cap : c’est l’expression sublimée du projet stratégique. Le Cap parle à tous et mobilise les énergies. Il ne surdétermine pas chaque étape du chemin. Le Cap crée l’aspiration à se développer et à évoluer en continu.
- Une architecture opérationnelle : un métier, un modèle d’activité, une expérience client et un modèle de développement au cœur d’une dynamique d’écosystème. La Puissance d’Agir n’enlève rien aux réalités d’une entreprise, elle va chercher à rendre lisible et appropriable l’architecture opérationnelle par du design d’organisation (représentation visuelle, dynamique et évolutive sur plusieurs niveaux explicatifs).
- Un système de capacités collectives : pour réaliser sa mission, tenir son cap, délivrer valeur, impact, expérience et épanouissement, l’organisation doit développer des aptitudes spécifiques à agir ensemble de manière coordonnée, efficace et durable. Ces aptitudes embarquent une manière de « faire collectif », une conjugaison particulière de talents, des savoir-faire, des technologies, sur une finalité à concrétiser et à incarner. S’il existera toujours des composantes organisationnelles – services, squad, équipes, pôles – la capacité collective elle s’inscrit comme une réalité vivante, globale et transversale qui porte une valeur stratégique.
- Un leadership distribué : la notion clé est plus précisément un leadership intelligemment distribué et une architecture de la responsabilité. La question fréquemment posée dans l’innovation managériale est : l’intelligence collective oblige-t-elle à la dilution de la décision et à la dissolution des responsabilités ? Bien au contraire. Penser ensemble signifie s’approprier les tenants et aboutissants de la complexité d’un système pour identifier ensemble les options fortes (celles sur lesquelles une décision peut être prise). La décision étant prise par ceux qui ont la responsabilité de l’action, les acteurs en responsabilité et les responsables de l’action, dont les acteurs, et pour une part, les parties prenantes et les destinataires, selon les modalités établies. La force de la démarche n’est donc pas de déresponsabiliser mais de coresponsabiliser. Qui plus est, l’exercice de cette décision se déroule ici dans un système d’entreprise en tension entre ses fondamentaux et son cap, en intelligence avec son architecture opérationnelle et son écosystème. Ce champ éclairé permet de distribuer le leadership par le fait que les repères sont forts et font système. Cette gouvernance clarifiée permet une pleine agilité de l’organisation.
- Une dynamique collaborative circulaire : ce système d’entreprise : « Raison d’être puissance d’agir » appelle à développer en continu une intelligence de l’engagement, une intelligence de l’action et une intelligence de la régénération, formant un continuum circulaire qui renforce l’énergie du sens, l’énergie de l’action, l’énergie de la cohésion et bonifie dans la durée les capacités collectives de l’entreprise au fil du temps et des épreuves rencontrées.
- Un système managérial : le management devait disparaitre : inutile, vertical, surcontrôlant. Le management dans tout système est le garant de sa distribution vivante et de son fonctionnement. L’enjeu est d’inventer son juste rôle, ses pratiques, son incarnation, pour disposer d’acteurs clés capables de faire vivre à l’échelle de toute l’organisation sa capacité à être, à faire et à devenir.
Réconcilier le système et l’humain…
Le niveau de tension entre le « système » et « l’humain » a atteint ses limites. Le désengagement et la perte de confiance des générations montantes ne cessent de l’exprimer. Les organisations elles-mêmes deviennent parallèlement de moins en moins créatrices de valeur, d’impact, d’expérience et d’accomplissement.
Or notre époque est aussi confrontée à une équation de métamorphoses portées par les triples enjeux de nouvelles symbioses dans la relation à la nature, de positionnement de l’humain par rapport à l’artefact révolutionnaire que constitue l’IA et de la tectonique des plaques géopolitiques.
L’entreprise, aux prises avec tous ces enjeux, peut devenir source de solution tant pour elle, que pour l’individu, que pour la civilisation : réconcilier le système et l’humain.
…pour un modèle régénéré et régénérateur
Et c’est là que se joue la relation indissoluble entre raison d’être et puissance d’agir : ́le chemin de congruence du système appelle un chemin d’accomplissement individuel, un nouveau chemin de réconciliation entre le Soi, le Nous et le Tout, une nouvelle écologie de l’humain au travail.
Cela peut sembler ambitieux mais c’est une façon positive d’échapper au fractionnement de l’être suscité par le paroxysme du modèle du système vu de façon mécanistique et non sous celui du facteur humain, du vivant, en termes de besoins vitaux et d’aspirations.
́La puissance d’agir couplée à la raison être de l’organisation, en s’appuyant sur le développement de capacités collectives lui donnant toute sa portée, devient un puissant facteur d’accomplissement et d’autonomisation de l’humain en tant que contributeur, tant à l’échelle collective qu’individuelle.
Et c’est totalement synergique tant avec un élargissement des modèles création de valeur qu’avec le développement de véritables capacités régénératives au profit des organisations qui sauront se situer dans ce nouveau paradigme.
Puissance d’Agir : quels bénéfices ?
Développer sa Puissance d’Agir est donc stratégique. Parce que l’entreprise ne répond plus aux conceptions mécanistes, que beaucoup de conceptions récentes demeurent partielles, incomplètes, insuffisantes et donc ne savent pas à elles seules remplacer les modèles dépassés. Parce qu’il est nécessaire aujourd’hui de retrouver des entreprises efficaces dans leur rôle dans une société en pleine évolution. Parce que nos contemporains, collaborateurs, managers, clients, partenaires, citoyens y aspirent. Parce que le temps est venu de considérer l’entreprise comme un système dynamique, évolutif, humain, vivant, engagé, capable de définir son rôle et de réaliser pleinement son utilité.
Dans ce monde complexe, tumultueux, et si on essayait un système global, cohérent et mobilisateur ?
Article co-écrit par Olivier Réaud et Stéphane Demarquette