Oui, osons le mot : « performance« . Il parait à en lire certains que ce mot serait ringard, coupable de nombreux maux, un culte voire une idéologie. Cette approche binaire du dictionnaire est un peu facile tellement la performance a structuré et façonné l’humanité, une notion au cœur de la nature, une notion aujourd’hui plus encore déterminante pour relever nos défis.
De la critiquable performance unilinéaire…
Performance, de quoi parle-t-on ? C’est à minima la valeur du résultat d’une action (un temps, un coût, une profitabilité), ou bien plus largement la réalisation d’une action : une « belle performance ». Une polysémie qui s’explique par le fait que le mot s’ancre sur une double étymologie : anglo-saxonne pour la première acception (to perform), latine pour la seconde (performare).
Ce qui est devenu critiquable en quelques décennies, c’est que l’indicateur a pris le pas sur l’enjeu de l’action, une expression unique, financière souvent, une conception unidimensionnelle du réel en lieu et place de toute autre considération. Et d’objectif unique, ce moyen de gérer serait devenu une finalité.
Ce qui est questionné n’est pas la performance mais la philosophie qui l’utilise. Mesure-t-on le temps sur une chaine de montage, un chiffre d’affaires, le nombre de tonnes de CO2 rejetées par individu dans une année, le nombre de parties par millions (ppm) de gaz carbonique dans l’atmosphère. La finance comme l’écologie se décrivent par des performances car « on ne gère bien que ce que l’on mesure ».
… à la vertueuse performance du système
Si la quête de performance est la vitalité du système, cette performance peut prendre une tout autre dimension. Le modèle dynamique des écosystèmes que nous propose Robert Ulanowicz (chercheur américain en écologie) permet de trouver l’équilibre entre complexité et simplification, entre résilience et efficience, selon son exposition aux turbulences et à l’incertitude. Résultat, pour la faire courte, il définit un optimum de performance naturelle entre efficience maximum (le système est simplifié à l’extrême) et résilience maximum (le système développe une diversité d’interconnexions). Transposons cette approche dans l’univers familier d’une industrie avec ses fournisseurs. Si j’ai 14 fournisseurs sur une catégorie de produit, une optimisation nous conduira à en réduire le nombre. Mais si je n’en ai plus que 2, le jour d’une crise sanitaire ou géopolitique, il se peut que je n’en ai plus qu’un seul voire aucun. Si de plus je veux innover en continu, mon industrie a plutôt intérêt à travailler avec 4 ou 5 partenaires.
La question devient dès lors comment les acteurs d’un système pensent et pilotent la performance du système et non y renoncent.
Dès lors, une société qui mobilise l’intelligence collective a besoin plus encore d’être consciente de réalités chiffrées pour être pleinement responsable de ses choix, de ses actions, de la qualité de son système pour évoluer dans l’imprévisible. Plus encore, une entreprise a besoin de questionner sa performance globale pour être résiliente (être en capacité de revenir à sa performance nominale après une crise), pour être robuste (la performance du système résiste aux crises), ou mieux, pour être anti-fragile (la performance du système augmente avec l’exposition permanente aux turbulences).
Réinventer collectivement la performance de son système
Le progrès aujourd’hui n’est donc pas le renoncement à la performance mais l’adoption d’une pensée complexe, d’une performance multi dimensionnelle portée par une gouvernance multi parties prenantes. La comptabilité 8 capitaux que propose Charles Jude par exemple avec la Permacomptabilité est une conception avancée de la performance.
La performance progresse aussi dans sa deuxième acception : la réalisation elle-même. On réalise une performance, une action, une œuvre et, collectivement, on se réalise par elle. Accomplir une œuvre et s’accomplir au travers de celle-ci est essentiel pour nous mobiliser humainement. Les sportifs le savent. Rien de mieux pour se réaliser collectivement que de développer une capacité collective et de réaliser un jour la performance attendue : un match, une descente, un sommet.
Dans une époque où il nous faut relever les défis de la transition, avancer dans la complexité, l’incertitude et les turbulences, comment ne pas être collectivement intelligent avec la notion de performance ?
Pour aller plus loin…
Une performance systémique, une performance mobilisatrice, portée par le collectif, par le sens. Dans l’espace « Performance » de notre site, lisez notre article : « passer le mur du sens pour réinventer la performance »
In Principo, l’agence de facilitation stratégique qui rend les collectifs acteurs, moteurs et créateurs de leur propre dynamique d’évolution.